Entrepreneur et administrateur de plusieurs sociétés en Afrique de l’Ouest, Il partage avec nous sa vision du marché de l’art ouest-africain. Il s’appelle Sidi Mohamed Kagnassi homme d’affaires et amateur d’art. Lisez donc…

En Afrique, le marché de l’art se développe aussi grâce à un contexte économique favorable. Le ratio de population pauvre est en chute libre en Afrique subsaharienne, ce qui est une bonne chose. En 2019, selon les chiffres de la Banque mondiale, le taux de personnes avec moins de 1,90$ par jour est descendu à 35,1% contre 56,3% en 1999. Parallèlement, le PIB par habitant augmente et s’élève à 1 645 $ en 2021 (contre 594 en 2001). Un rapport du think tank américain Brookings Institution fixe même la dépense totale des ménages africains pour 2025 à 2 065 milliards de dollars (1 420 milliards de dollars en 2015). Des chiffres de bon augure qui constituent selon les experts un terreau favorable à l’émergence d’une classe aisée africaine, soit un vivier d’acheteurs potentiels.

Les artistes eux-mêmes font ce constat. Certains, partis faire carrière en dehors du continent, opèrent un retour pour exposer leur art dans des évènements artistiques africains. Et ce sont des artistes réputés à l’international comme Ouattara Watts ou encore Ernest Dükü. Ces retours sont la preuve qu’il y a un public en Afrique de l’Ouest, et qu’il vaut la peine de se déplacer, car des ventes peuvent avoir lieu.

En outre, acheter de l’art, et plus précisément de l’art africain, c’est aussi un investissement. Le marché a une marge de progression importante, il est donc intéressant d’investir maintenant. Les œuvres sont appelées à prendre de la valeur.


L’Art et les outils digitaux

La digitalisation donne plus de pouvoir et de liberté aux artistes. Elle leur permet de se faire connaître partout, indépendamment des frontières géographiques. Plus besoin de se rendre dans une galerie pour découvrir des œuvres d’art, on peut aussi le faire depuis son smartphone. Certes, l’expérience est différente, mais c’est un tremplin considérable pour les artistes qui maîtrisent ces outils. Je pense notamment aux photographes abidjanais Malick Kebe et au Ghanéen Prince Gyasi. Tous les deux utilisent leur smartphone pour créer et promouvoir leur art sur leurs réseaux sociaux, via notamment Instagram.

Et il y a aussi les NFT. Depuis bientôt deux ans, ces certificats de propriétés numériques ont considérablement bouleversé le marché de l’art. Elles confèrent plus d’autonomie aux artistes qui peuvent vendre plus facilement leurs œuvres. Les NFT sont donc une perspective enthousiasmante pour les artistes africains, mais aussi pour les acheteurs et les collectionneurs d’art : les ventes de NFT artistiques ont enregistré 2,6 milliards de dollars en 2021, l’année précédente elles s’élevaient seulement à 20 millions de dollars. Le marché est très porteur. L’engouement est tel que des œuvres d’art sous forme de NFT seront exposées à la prochaine foire AKAA à Paris.

L’art contemporain africain

L’art contemporain africain est intrinsèquement lié à l’histoire de notre continent. Dans beaucoup d’œuvres, on retrouve des références historiques, culturelles, politiques, parfois satiriques. En plus de cette couleur commune, beaucoup d’artistes prennent parti et abordent des problématiques inhérentes à notre siècle et à notre continent. Je pense par exemple au photographe Malick Kebé qui s’était confié au micro de France 24 sur son choix de valoriser les sujets à la peau noire en travaillant le contraste et la saturation dans ses œuvres. Derrière ce parti pris, il expliquait vouloir s’opposer au blanchiment de la peau, encore très présent en Afrique. On peut également citer la photographe franco-sénégalaise Delphine Diallo qui aborde dans ses œuvres le manque de représentation de la femme noire dans la société occidentale et l’artiste Zimbabwéenne Prudence Chimutuwah qui place la femme noire au cœur de ses créations.

Une autre thématique qui mobilise beaucoup d’artistes contemporains africains est celle de l’environnement. De plus en plus d’artistes travaillent à partir de matériaux recyclés. C’est le cas de l’Ivoirien Désiré Mounou Koffi qui recycle pour ses œuvres de vieux outils électroniques (téléphones, ordinateurs, claviers…). Le procédé est le même pour l’artiste plasticien Camerounais Pascale Marthine Tayou, réputé pour réutiliser et recycler des matériaux du quotidien ou encore pour El Anatsui, ce sculpteur Ghanéen qui revalorise des déchets comme les capsules de bouteilles. Autant d’œuvres et d’artistes qui entendent sensibiliser le continent et plus largement le monde a une problématique majeure en Afrique : la mauvaise gestion des déchets. 69% d’entre eux sont déversés dans la nature, à ciel ouvert, et l’Afrique devrait produire trois fois plus de déchets à l’horizon 2050 selon la Banque mondiale, c’est donc un sujet brûlant.

Avec Art-critique, Jodala TV


0 commentaire

Laisser un commentaire